2002 -Europe politique

Accueil Remonter

 

Euro-2002: Après l'euro, l'Europe politique en question

par Hervé ROUACH
PARIS, 24 déc 02(AFP) - Sur le point de franchir une étape historique, avec le partage d'une même monnaie par douze pays, les Européens ne cessent paradoxalement de s'interroger sur leur avenir , incapables pour l'instant de trancher le dilemme entre souveraineté et intégration politique.

L'euro, réalité tangible pour 304 millions de citoyens à partir du 1er janvier, sera-t-il un catalyseur pour aller plus loin vers l'Europe politique ? Ou l'euro n'est-il que la forme aboutie et ambitieuse d'une construction essentiellement économique ?

A l'aube d'un élargissement à l'est tout aussi historique, qui bouleversera inévitablement la nature même de l'Union européenne, les dirigeants des Quinze n'ont pu, ces dernières années, qu'étaler leurs divergences sur le projet européen.

"Nous avons, avec le marché unique et l'Union économique et monétaire, l'achèvement de ce que les historiens appelleront l'intégration économique et monétaire de l'Europe", résume l'ancien président de la Commission européenne, le Français Jacques Delors.

"C'est la fin d'un long cycle. Ce projet politique s'arrêtait là où l'on sentait qu'intuitivement les divisions entre les pays étaient très fortes", poursuit-il.

Le lancement d'une nouvelle réforme des institutions européennes lors du sommet de Laeken (Belgique) et la formation d'une Convention devant par exemple aborder la constitutionnalisation des traités, ont remis du baume au coeur des Européens les plus convaincus.

Après l'échec d'Amsterdam, puis l'accord étriqué de Nice, en décembre 2000, les Européens paraissent enfin décidés à attaquer de front les vraies questions . Ce qui n'est toutefois pas une garantie de réussite, tant les positions sont éloignées.

Derrière le concept ambigu et fourre-tout de "fédération d'Etats-nations", soutenu par beaucoup de pays, se cachent des divergences profondes.

A la Commission de Bruxelles, par exemple, on s'interroge sur les propositions "paradoxales" de l'Allemagne , qui prône un fédéralisme politique tout en préconisant l'affaiblissement, voire le détricotage de grandes politiques communes, jugées coûteuses, comme la politique agricole ou les aides régionales . Tout cela est inacceptable pour la France et les pays du sud.

Pour certains Européens convaincus, le seul maniement de la même monnaie pourra créer un phénomène d'identification et pousser vers une Europe politique, dotée d'instruments de décisions plus efficaces et, par exemple, d'un président de la Commission légitimé par le suffrage universel.

L'actuel président de la Commission, l'Italien Romano Prodi, veut voir la monnaie unique comme un véritable tournant.

"Je suis certain que si l'on prend un peu de recul et que l'on regarde, dans quelques années, la période actuelle, on y verra une modification du sens de la construction européenne", a-t-il récemment déclaré dans un entretien à l'AFP.

"Sans doute, l'euro a constitué une étape fondamentale où l'on voit que, même sur des questions de souveraineté, les peuples et les gouvernements peuvent fonder des instruments communs pour retrouver des marges de manoeuvre", a-t-il ajouté.

Il est vrai qu'en créant l'euro, l'Union européenne s'est dotée, avec la Banque centrale européenne (BCE), de sa seule institution purement fédérale. Les Etats membres lui ont totalement abandonné leur souveraineté monétaire.

Réalité concrète aujourd'hui, l'euro est aussi le fruit d'une conjonction d'événements: la réunification allemande en 1990 qui a souligné le besoin de renforcer la construction européenne et d'y arrimer la grande Allemagne, et la présence aux postes clés à Bruxelles, Paris et Bonn, à cette époque, de dirigeants fermement engagés dans la construction de l'Europe.

En Allemagne, l'ancien chancelier Helmut Kohl joua un rôle déterminant. "Pour moi et pour nombre de ceux qui m'ont accompagné dans ce combat, l'unification européenne n'est devenue un processus irréversible qu'avec l'introduction d'une monnaie commune ", affirme-t-il aujourd'hui.

Contacter webmaster : Andre.Gendre@granville-douzelage.net